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La loi des gaz parfaits en pleine action
Université de Nice-Sophia Antipolis
L'un des outils les plus
puissants qui soient
à notre disposition dans le domaine de l'extra-ordinaire
consiste à se poser simplement la question : "Existe-t-il une autre
explication
qui donnerait un résultat identique, dans les mêmes
conditions et avec les mêmes
caractéristiques ?"
Par exemple, dans un domaine quelconque, on peut, devant un cas
de phénomène revendiqué comme
paranormal,
se poser la question précédente et
découvrir
ainsi que l'on obtient le même
résultat par
des moyens on ne peut plus normaux. Il suffit de se rappeler la
simplicité de la recette chimique permettant de refaire
le "miracle de la liquéfaction du sang de St Janvier"
ou encore la simplicité de la technique de frottis
permettant
de créer un "saint suaire de Turin" parfaitement
présentable, pour avoir une idée de la puissance
et de la portée de cet outil...
La
méthode "naturelle"
est alors étayée et (principe de parcimonie des
hypothèses) l'hypothèse "sur-naturelle"
devient superflue.
Ce qui, évidemment, ne signifie pas
nécessairement
qu'elle soit fausse !
Regardons un peu le domaine de la
psychokinèse.
A la fin de l'année 2000 un candidat au Prix-Défi
de 200.000 euros, Cedomir Tomic, affirmait posséder un
pouvoir de "télékinèse sur
des objets
de large surface et si possible épais, tels des portes
voire des fenêtres" qu'il pouvait donc, dans une
"petite pièce", déplacer
légèrement
et faire claquer dans l'encoignure (cf. N° 252 dans la liste
des candidatures au Prix-Défi).

Jean-Pierre Cavelan, Juliette Cavelan, Henri Broch, Cedomir Tomic
Après
échanges de courriers et
coups de fil, nous avons fait un mini-test au laboratoire de
Zététique
en mars 2001.
Ce fut un échec... en tout cas concernant la
télékinèse.
Car
l'effet présenté
existe bel et bien, mais n'a rien de psychokinétique. Il
est... "myokinétique" (myo-télé-kinétique
si l'on désire être plus précis) et
simplement
dû en fait à la création d'une onde
acoustique
infrasonore par la compression / décompression du thorax
provoquée par des mouvements musculaires brusques (l'action
est optimisée par la petitesse de la pièce).
Pour expliquer un peu ce
phénomène,
il faut schématiser la situation et il suffit quasiment
de dire que, pour l'air, le produit PV, Pression que
multiplie Volume, est constant.
En effet, en assimilant l'air à un gaz parfait, nous avons
PV = nRT ; où n est le nombre de moles présentes,
R la "constante des gaz parfaits" (valant 8,314) et
T la température. Si la température de l'air dans
la pièce reste constante, le nombre de molécules
- donc de moles - étant constant dans une
pièce
donnée (fermée), nous avons alors effectivement
simplement le produit PV = Cte
D'où, si vous faites augmenter le volume V accessible
à
l'air vous avez nécessairement une diminution de la pression
P et, inversement, lorsque V diminue vous obtenez une augmentation
de P.
Vu le faible volume de la pièce concernée par l'expérience, la variation même très petite du volume corporel d'une personne implique une variation du volume accessible à l'air donc une variation de pression de cet air largement suffisante pour exercer une force non négligeable sur une porte (conséquence de sa grande surface).
Quelques chiffres
peut-être plus parlants
:
- Si la "pièce" est très petite («
3 m2 maximum » comme le demandait le candidat, cf. infra)
son volume, en prenant une hauteur classique de 2,5 mètres,
vaut 7,5 m3 soit 7.500 litres.
- Si le sujet-psi provoque une augmentation de son volume thoracique
ou abdominal d'environ 0,25 l c'est-à-dire un quart de
litre (ce qui est une hypothèse minimale
et s'obtient
- faites l'expérience - vraiment très
facilement),
cela signifie que le volume accessible à l'air de la
pièce
a diminué de 0,25 litre c'est-à-dire qu'il est
maintenant
de 7.499,75 litres soit une diminution relative de 0,00003 %.
C'est très, très, très faible.
Mais
est-ce pour cela autant
totalement négligeable ?
Pas vraiment, car cette diminution du volume
implique une
augmentation de la pression de l'air dans la
pièce
(puisque le produit PV reste constant) qui, de sa valeur initiale,
va passer à 1,00003 fois cette valeur.
Si l'on parle en termes classiques de pression et que l'on dit
que la pression de l'air au départ était (des
deux
côtés de la porte évidemment) de
1,013.10exp5
pascals* cela ne «dira» peut-être pas
grand
chose. Mais si l'on explique que cela correspond à une
valeur de départ d'environ 1 kilogramme-force (kgf) par
cm2 (c'est-à-dire que tous les cm2 s'exerce une force
identique
en valeur au poids d'une masse de 1 kilogramme) alors on commence
peut-être à mieux comprendre.
Une variation de pression de 3 cent-millièmes d'un
côté
de la porte correspond donc à une valeur de 0,00003 kgf
par cm2 et, comme une porte classique représente une surface
d'environ 16.800 cm2 (surface de 80 cm sur 210 cm), cette variation
de pression représente une force totale... de 0,504 kgf
c'est-à-dire plus de 500 gf (grammes-force)
supplémentaires s'exerçant sur ce
côté
de la porte.
Or, un petit test avec un dynamomètre (tout simplement
un ressort étalonné) centré sur la
porte
montre qu'une force beaucoup plus faible - à peine
70
gf ! - suffit pour faire bouger la porte.
Conclusion :
la petite
variation du volume abdominal ou thoracique du sujet-psi, variation
pourtant vraiment très faible que nous
avons prise
ici comme exemple chiffré, suffit largement pour faire
claquer la porte dans l'encoignure par augmentation de la pression
de l'air exercée sur cette porte.
J'ai expliqué cela
au candidat (dont
la taille de... 1,97 m, bien visible sur la première photo
présentée au début de cet article,
vous donnera
une idée de la large valeur possible pour la variation
de son volume thoracique et abdominal lorsqu'il contracte ses
muscles) après sa prestation et l'effet "pseudo-PK"
a d'ailleurs été reproduit
immédiatement
par un collaborateur du laboratoire, Jean-Pierre Cavelan, puis
par moi-même.
Confirmation si nécessaire de l'origine de l'effet : lorsque
le candidat était placé à la
même distance
de la porte mais que celle-ci, au lieu d'être quasi
fermée
(poussée dans l'encoignure), était ouverte
à
90° (et donc que le volume accessible était un
volume
beaucoup plus grand) aucun mouvement ne se produisait et le film
vidéo que nous faisions de l'expérience en a
témoigné
clairement.
En fait, très peu de temps avant le test, alors que la
date était déjà fixée, M.
Tomic nous
disait qu'il fallait que la pièce soit très
petite avec une surface de "1 à 3 m2 maximum".
Ce qui n'avait pas du tout été
précisé
au départ puisque, dans le formulaire d'inscription, il
était question de "faire bouger une ou plusieurs
portes et fenêtres", ce qui excluait dans notre
esprit les pièces de la très
petite taille
demandée ensuite.
En réponse à cette demande d'une pièce
extrèmement
petite, j'avais d'ailleurs explicité par écrit
à
M. Tomic une semaine avant le mini-test - et donc
sans
même savoir qu'il se concentrait en fait en contractant
de manière brusque et saccadée ses muscles
pectoraux
et abdominaux, ce que nous avons uniquement découvert le
jour même de l'expérience - que, dans ce cas, "les
variations de pression [...] sont alors évidemment quasi
automatiques [...] et le phénomène
revendiqué
perd alors tout son intérêt et ne
présente
plus rien de paranormal".
Mon don de prémonition sans doute.
Cette sympathique histoire d'effet
myokinétique
sur portes et fenêtres, qui avait donc connu son
épilogue
en mars 2001, a toutefois eu une suite médiatique quelques
deux années plus tard.
En effet, une journaliste m'a contacté vers la fin de
l'année
2002 pour avoir de l'information sur les différents tests
que nous avions menés dans le cadre du «
Prix-Défi
Broch-Majax-Theodor » de 200.000 Euros (pour plus
d'informations
sur les candidatures, cf /defi5.html).
De
fil en aiguille, cela a abouti à la visite au laboratoire
de Zététique de l'Université de
Nice-Sophia
Antipolis d'une équipe de
télévision... accompagnée
de l'ancien candidat M. Tomic afin qu'il refasse in situ, et pour
une émission, ce qu'il avait fait dans le cadre du
défi.

Quelque temps plus tard, le 18 mars 2003, tout un chacun a donc
pu suivre dans le magazine "Normal, Paranormal",
sur la chaîne M6, les quelques courtes minutes (seuls restes
d'un tournage de plusieurs heures) présentant le
phénomène
PK en question (cf. photo ci-dessus) et son explication physique...
agrémentée d'une petite démonstration.
Démonstration concrète faite en direct lors de la venue de l'équipe de télévision au laboratoire car mes explications théoriques ne semblaient pas convaincre pleinement la journaliste. J'avais alors improvisé une expérience avec ce que l'on avait sous la main : une petite poubelle cylindrique en plastique que j'ai fermée par un bout de chambre à air maintenue par plusieurs tours de ruban adhésif d'emballage.
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Et la démonstration
était prête.
Avec mon poing fermé, en appuyant et relâchant la
membrane caoutchouc, je fis varier le volume accessible à
l'air de la pièce (la même petite pièce
évidemment
que celle dans laquelle nous avions fait le test) et donc varier
la pression. Laquelle variation de pression se traduisit clairement
par un mouvement de la porte suivant exactement mes mouvements
sur la membrane. Le tout parfaitement renouvelable à
volonté.
CQFD.

La journaliste et l'ancien candidat furent ainsi totalement convaincus
de l'origine physique et non "psychique" ou
"éthérique"
des mouvements de la porte et M. Tomic l'exprima clairement -
c'est tout à son honneur - devant la caméra.
Tout cela ne prouve pas, bien sûr, que la personne testée n'a strictement aucun pouvoir de psychokinèse mais cela prouve, par contre, qu'il n'est nul besoin de faire appel à la PK pour expliquer le phénomène en question. Et - cf. le début de cet article - l'hypothèse psychokinétique devient donc superflue.

Henri Broch, Cedomir Tomic, Denis Biette : la détente après le test en mars 2001
Qu'il me soit permis d'adresser
ici un bonjour
amical à Cedomir qui a bien mieux
intégré
ce qu'est une démarche scientifique que certains
parapsychologues.
Lesquels s'indigneront et clameront que parce qu'une poubelle
(ou une "règle d'écolier" pour un assistant
parapsychologue toulousain) est utilisée, cela n'est pas
"scientifique"...
Ce que ces parapsychologues et métapsychistes, dont
on a pu voir encore récemment les amusantes - et
méthodologiquement nulles -
expériences
(ainsi le 19 janvier 2004, à la TV sur Canal+ dans
un magazine Lundi Investigation sur le "Sixième
sens" qui ressemblait fort à une argumentation
ayant la curieuse forme "La science face au paranormal"),
semblent ignorer, c'est que l'on peut, avec du
ruban adhésif
et des bouts de ficelle, faire des expériences qui, dans
une première approche, donnent des résultats tout
à fait pertinents pour comprendre un
phénomène.
Dans ce magazine "Sixième sens. Science et
Paranormal",
la réalisatrice Marie-Monique Robin (et - accessoirement
? - co-auteur en 2003 d'un livre éponyme sur le sujet,
avec Mario Varvoglis le président de l'association
intitulée
«Institut Métapsychique International»,
association
intervenant largement dans l'émission et essentiellement
connue pour ses... moulages d'ectoplasmes !) laissait entendre
doctement qu'il n'existe pas de laboratoire en France travaillant
sur ces sujets.
On admirera le savant et très profond travail de
documentation
que cette émission a dû demander à
cette personne
pour réussir l'exploit véritablement hors-normes
qui consiste, en se renseignant longuement sur le thème
du paranormal et de la science, à ne pas
réussir
à simplement apprendre l'existence du laboratoire de
Zététique,
le seul laboratoire universitaire français
consacré
à ces sujets ! (ou encore à ne pas
réussir
à prendre simplement connaissance du contenu de l'ouvrage
"Au Coeur de l'Extra-ordinaire", pourtant disponible
depuis plus d'une décennie et qui fait un tour d'horizon
complet de la question).
Il suffisait même à cette personne de visionner
tout
bonnement le travail que quelques-uns de ses propres
collègues
journalistes avaient fait avant elle (à titre d'exemple,
pour parler uniquement d'un des plus récents, le reportage
"Capricorne ascendant sceptique" diffusé
moultes fois depuis 2002 sur Planète Future) pour avoir
cette information et pouvoir ainsi se renseigner un peu (c'est
un euphémisme) plus correctement.
La
base documentaire évitant
de nous ressortir des vieilles lunes largement
démystifiées
est en effet publiquement disponible depuis de
nombreuses
années et il est donc particulièrement
déplorable
de voir étaler de flagrantes
contrevérités.
Puis-je me permettre de
suggérer qu'il
eut été beaucoup plus intéressant que
le
sujet soit "Le paranormal face à la science"
plutôt que le triste inverse qui nous a
été
montré ?
L'ignorance
des rudiments
de la méthodologie scientifique
et du simple fait que la
charge de la preuve appartient à celui qui affirme quelque
chose sortant de l'ordinaire (c'est, par exemple, à celui qui
affirme que
les fantômes existent de démontrer leur existence
et non à la science de prouver - ce qui serait une
absurdité
- leur inexistence) fait
froid dans le dos.
Etonnons nous, après cela, que les pseudo-sciences aient
encore de beaux jours devant elles et que les mythes (et la
désinformation)
perdurent...
Je disais donc : ce que ces
parapsychologues
et métapsychistes semblent ignorer, c'est que l'on peut,
avec adhésif et bouts de ficelle, faire des
expériences
donnant des résultats tout à fait pertinents.
Ce
qui compte c'est
évidemment la méthode
utilisée et
non la sophistication de l'appareillage.
Henri BROCH
* Le pascal (Pa) correspond à
l'unité
S.I. (Système International) de pression et vaut 1 newton
par mètre carré. Le newton (N) est
l'unité
S.I de force et doit être utilisée ; mais,
concrètement,
cette unité demeure une unité un peu "abstraite"
pour beaucoup de personnes et l'expérience montre
qu'une
bien meilleure mémorisation des valeurs (ce
qui ne signifie pas nécessairement compréhension
pour un phénomène étudié) est
faite
si l'on parle en "kilogramme-force", unité
certes prohibée (que certains
dénoncent comme
"unité antique", alors que c'est simplement le
poids à Paris du "kilogramme international" )
mais unité auxiliaire beaucoup plus "parlante"
au point de vue intensité. En tout cas, à mon
avis,
beaucoup plus que quelque chose comme ...9,80665 newtons.
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