Lettre Ouverte
Ancien chercheur du CNRS
(Immunologie comparée)
Le public a eu droit le 24 mai 2004 à un assaut publicitaire majeur des Laboratoires Homéopathiques Boiron (LHB) ; avec notamment une page complète dans le Figaro (cf. ci-dessous)

Il nous est impossible de rester
indifférents
ou muets à la lecture de plusieurs de leurs affirmations
qui se révèlent être soit des
contre-vérités,
soit des interprétations abusives.
Les textes « Boiron » sont repris en
caractères
italiques
rouges :
«
L'Homéopathie
est utile »
« sur le plan médical, elle représente
une
alternative intéressante, car efficace, même dans
certaines maladies graves, et sans effet secondaire ; »
Nous sommes
déjà dans le vif
du sujet.
Les LHB ont le front de déclarer « l'homéopathie
(...) efficace, même dans certaines maladies graves
».
Or il convient de dire de la manière la plus forte
et la plus solennelle que l'homéopathie ne peut en
aucun
cas guérir une quelconque maladie grave (ou
même
bénigne). Même si, par effet placebo,
c'est-à-dire
uniquement psychologique, le patient peut se sentir mieux.
En effet, à 1 CH une
goutte du médicament
d'origine est diluée dans 99 gouttes d'eau (l'ensemble
donnant un volume de 5 ml). Les dilutions successives s'effectuent
toujours selon un facteur cent.
Dès lors, à 4 CH le médicament
homéopathique
d'origine aura été dilué dans la
proportion
d'une goutte pour cinq mètres cubes d'eau (= 5.000 litres
ou une vingtaine de baignoires). Le bon sens paysan le plus
élémentaire
nous fait dire que le produit homéopathique ainsi
dilué
à 4 CH n'a plus aucun des attributs d'un
médicament
contenant un principe actif. Même un tube entier pris en
une fois n'est pas susceptible de provoquer le moindre effet pharmacologique,
bénéfique ou maléfique chez un
patient.
Soulignons que le médicament homéopathique moyen
n'est ni identifiable ni même décelable aux
dilutions
de 6 CH ou supérieures. Il est donc impossible de
vérifier
a posteriori si un quelconque médicament a jamais
été
incorporé dans le processus de fabrication (dilution).
C'est le cas de l' incontrôlable «
Homéogrippe
» qui a six composants, tous
dilués à
6 CH.
A 9 CH qui représente à peu près 50 % des dosages préconisés, la dilution correspond à une goutte du médicament dans un volume d'eau équivalent aux deux tiers du lac de Genève. Lorsqu'il guérira, le malade ne devrait donc attribuer sa guérison qu'au fait que sa maladie a pris fin d'elle-même.
Dire,
comme les LHB que l'homéopathie
pourrait être efficace (sous-entendu
autrement que par son effet placebo) même dans le cas
de maladies graves, est
une inquiétante imposture médicale. Un qualificatif qui ne souffre pas la moindre
contestation
et qui met les LHB devant de conséquentes
responsabilités.
Mais voyons plus loin :
«
sur le plan
scientifique, par ses deux fondements, la similitude et
l'infinitésimal,
l'Homéopathie est une source importante de
progrès
pour la Médecine comme pour la Science Fondamentale ;
»
Une fois de plus on croit
rêver. En effet,
la recherche en homéopathie est une voie sans issue, un
cul-de-sac scientifique. Comment pourrait-on expérimenter
sur une classe de médicaments que la dilution a fait
disparaître,
qui n'existent donc plus et ne peuvent dès lors avoir aucun
effet pharmacologique ?
Autre source de questionnement : il a toujours
été
entendu dans toute la littérature homéopathique
depuis deux siècles que cette médecine reposait
sur trois « piliers » : 1° la similitude,
2°
la dilution infinitésimale, indissociable de la succussion
3° l'individualisation du traitement. La succussion ou action
de secouer la dilution « dynamiserait » celle-ci ;
ce qui lui permettrait par un processus miraculeux de
récupérer
les effets perdus par les dilutions ; mais uniquement les effets
bénéfiques.
Pourquoi les LHB escamotent-ils un (l'individualisation du traitement)
des trois piliers historiques de la médecine
homéopathique
?
Sans aucun doute pour pouvoir commercialiser plus facilement des
produits non-individualisés (comme l'Homéogrippe
) « ciblés » contre... une pathologie
spécifique.
Sur le plan de la science fondamentale, la théorie
homéopathique
de la similitude et celle de l'infinitésimal - que l'on
devrait plutôt appeler conjectures - contreviennent
à
tant de lois, de théories scientifiquement
établies
et confortées par des millions
d'expérimentations,
que l'on voit mal sur la base de quoi les LHB pourraient bien
expérimenter sérieusement.
Mais encore :
«
sur le plan
économique : le prix très bas des
médicaments
homéopathiques et leur absence d'effets
indésirables
font de l'homéopathie un atout maître pour
l'assurance
maladie ; »
Il est exact que le prix du
médicament
homéopathique de 1,80 euro pour 88 granules soit 4 grammes
de sucre, ne représente pas beaucoup d'argent pour le
patient,
mais cela met néanmoins le prix du sucre quasi pur
à
450 euros le kilogramme. Vendre du sucre à ce prix permet
aux LHB de prospérer au-delà de toute attente. Il
s'agit bien ici d'un enrichissement sans la moindre cause. Si
les firmes pharmaceutiques orthodoxes ont des frais de recherche
et de développement énormes, les firmes
homéopathiques
ne peuvent en avoir et de ce fait se réservent des marges
bénéficiaires démesurées.
Ceci dit, dépenser ne serait-ce que 1,80 euro pour un
produit
qui ne pourrait servir qu'à chèrement -
sucrer
son café est une absurdité économique.
« Effets indésirables » : ici, on est forcé de reconnaître que les LHB paraissent avoir raison. Il est exact que le médicament homéopathique n'a pas d'effet pharmacologique indésirable (ni même désirable !), puisqu'il ne contient que du sucre. Par contre l'utilisation du médicament homéopathique peut être dramatiquement néfaste par omission d'un traitement scientifiquement éprouvé et efficace ; ou plus grave encore, par le remplacement d'un tel traitement au bénéfice de l'homéopathie. Ce qui arrive plus souvent qu'on ne le pense.
Enfin parler du « rayonnement
de la France »
à propos
de l'homéopathie
manque singulièrement de sens du ridicule. En effet, le
docteur Jacques Benveniste de l'INSERM a obtenu par deux fois
(1991 et 1998) un « prix Ignoble » (IgNobel Prize
in chemistry ), décerné par cinq authentiques
lauréats
Nobel pour sa « découverte persistante
que l'eau
est un liquide intelligent () et qu'elle est capable de se rappeler
des événements longtemps après que
toute
trace de ces événements ait disparu »
(sic); autrement dit pour sa révélation de la
mémoire
homéopathique de l'eau.
Concernant les lauréats du prix IgNobel, visitez le site
www.improbable.com. (Ignatius Nobel est un personnage imaginaire
inventé par dérision ; Ignoble et IgNobel, se
prononçant
en anglais de la même manière, font partie d'un
jeu
de mots).
Pour plus d'information
concernant la validité
de l'homéopathie, cf. mon article introductif La
validité scientifique de l'homeopathie en question
sur le présent site.
Concernant les médecines pseudo-scientifiques, visitez
le site pseudo-medecines.org
de Jean Brissonnet auteur d'un livre intitulé
précisément
« Les pseudo-médecines. Un serment
d'hypocrites
» avec un important chapitre sur
l'homéopathie.
Egalement le très vaste site animé par une
brochette
de médecins et de scientifiques www.quackwatch.org (en
anglais mais qui a une version en français, moins
étoffée)
qui traite notamment de l'homéopathie (voir
«questionable
products, services and theories» => homeopathy, the
ultimate
fake) et qui n'hésite pas à en dire :
les
médicaments
homéopathiques « sont la seule
catégorie
de produits charlatanesques légalement
commercialisés
comme médicaments ».
Dr. Jacques
Léon Theodor